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Pour commencer, en sachant que l'une des idées
motrices de l'extrême droite est la supériorité d'un
groupe ethnique sur les autres et l'extermination ou la domination
des groupes perçus comme inférieurs, on pourrait
se demander si on ne devrait pas inclure, en parlant de l'histoire
du terrorisme de l'extrême droite, les innombrables atrocités
et massacres commis durant l'époque coloniale, les massacres
des autochtones en Amérique du sud par les Espagnols, la quasi
extermination des peuplades indiennes d'Amérique centrale
et du nord etc. Quoi qu'il en soit, les mouvements dont il sera question dans cette étude trouvent leur source dans des événements beaucoup plus proches de nous. Le début des idéologies
d'extrême droite modernes se situe au milieu du continent européen et au
début des années vingt, et l'exemple le plus frappant est la prise du pouvoir de l'extrême droite en
Allemagne.
Après
la découverte des camps d'extermination allemands et les procès
de Nürnberg
de nouvelles lois furent créées ainsi que de nouvelles incriminations, applicables par
les pays qui ratifient et qui signent la convention ayant trait aux
fameux crimes contre l'humanité. On s'est ensuite cru « vacciné » contre
de telles atrocités, jusqu'à ce qu'on redécouvre
de nouveaux massacres ethniques au Rwanda, et de nouveaux camps d'extermination
au début des années 1990 durant la guerre en Yougoslavie.
Ce qui vaudra à ces deux pays la triste réputation
d'être les deux premiers pays, après le procès
de Nürnberg à disposer d'un tribunal pénal international
afin de tenter de punir les responsables de crimes contre l'humanité.
Depuis 2002, les TPI sont remplacés par une cour pénale
internationale (CPI). On peut donc voir que le problème perdure
dans le temps et est loin d'être résolu.
La république de Weimar
Après la première guerre mondiale, la fin
du « Kaiserreich », la révolution de novembre et
le « diktat » de paix du traité de Versailles affaiblissent
industriellement et économiquement la jeune république allemande
de Weimar. Ce climat était une terre nourricière
pour toutes sortes de groupes fondés autour d'idéologies raciales, ethniques et nationalistes.
On attribuait la responsabilité de cette situation aux communistes,
socialistes, bolcheviks et surtout aux Juifs, que l'on accusait de
vouloir s'emparer du pouvoir mondial. Un de ces groupements, créé en
1919 était le Parti des travailleurs allemands (Nationalsozialistische Deutsche Arbeiterpartei, NSDAP),
qui, plus tard, se transforma en parti national-socialiste allemand.
Leurs idées politiques étaient
un mélange d'idées populaires socialistes et d'idées
nationalistes-antisémites. Le parti s'adressait surtout au
peuple commun, aux classes sociales basses et moyennes. Adolphe Hitler, qui
agissait comme porte-parole, ne s'attardait pas à de grandes
discussions politico-sociales pour recruter des membres, il se basait
sur un modèle de discours simplifié AMIS-ENNEMIS.
Au fil du temps, le parti du NSDAP va se profiler
de plus en plus grâce à la SA (Sturmabteilung), son
radicalisme, ses symboles (croix gammée), ses démonstrations
de masse, de force et d'unité et gagner de plus en plus de
popularité.
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NSDAP |
Ce qui est intéressant, c'est que le
parti NSDAP ne se voyait pas comme un parti politique au début,
mais plutôt comme un groupe révolutionnaire. Pour gagner
en force, le parti va tenter de rallier des forces de l'armée
bavaroise à sa cause, ce qui se réalisera en 1923. Hitler, qui était devenu le leader politique du NSDAP,
pensa qu'en 1923 la situation politique était favorable pour
tenter un putsch. Par analogie avec la marche de Mussolini sur Rome,
il tenta une marche sur la « Münchener Feldherrnhalle » pour
prendre le pouvoir politique en Bavière et ensuite continuer
son chemin sur Berlin. Contre toutes les attentes, le putsch fut déjoué par les autorités bavaroises et Hitler
emprisonné. Son parti, qui comptait désormais environ
55 000 membres, fut interdit et ses membres se recyclèrent dans divers
autres groupements jusqu'à la recréation du NSDAP en 1925.
Pendant son temps de
détention, Hitler écrit « Mein
Kampf », « Mon combat », un livre dans lequel il explique ses idées nationales-socialistes.
Le livre n'est pas une idéologie pure, mais plutôt un catalogue
de buts et fins à atteindre. Le point central se base sur des philosophies
de Gobineau et Chamberlain.
L'antisémitisme, l'élimination
du peuple juif et la création de nouvelles terres (Schaffung
von Lebensraum), en menant une guerre contre l'Union Soviétique
et ensuite, la prise de pouvoir du continent européen, pour
enfin passer outre mer et s'attaquer aux États-Unis et ainsi
obtenir la domination du monde « Weltherrschaf »,
sont les buts principaux.
Un aspect qui rendit cette vision du monde national-socialiste
tellement séductrice pour le grand public était le fait que
deux idéologies (nationalisme et socialisme) jugées
inconciliables et en conflit depuis la fin du 19e siècle, se
retrouvaient plus ou moins unies/liées dans certains points
(exemple : force nationale et état social).
Un deuxième point fort était la
promesse d'éliminer le chômage, qui était un
fléau dans les années 20, en un temps record de quatre
ans. Pour venir à bout du chômage, Hitler se basait
surtout sur des travaux publics, comme par exemple les constructions
d'autoroutes que l'on qualifiera pour cause de propagande de « routes
du Führer », pourtant déjà planifiés
depuis les années vingt. D'autres branches pour lutter contre
le chômage étaient l'industrie de l'armement et le service
militaire obligatoire. En deux ans, il parvint effectivement à diminuer
le chômage de moitié et avant le début de la
deuxième guerre mondiale, le chômage était devenu
quasi inexistant.
Le parti national socialiste allemand avait
donc la possibilité de faire des programmes politiques quasi
idéaux afin de mobiliser tout un peuple. À côté des
classes moyennes, les classes ouvrières pouvaient aussi se sentir
inclues dans un programme électoral qui insistait sur un sentiment
d'appartenance, d'équité entre les classes sociales et qui identifiait des ennemis clairement définis. On trouve d'ailleurs au milieu
des années vingt des pressions politiques d'extrême-droite similaires dans plusieurs autres pays en Europe (Espagne, Italie). Ce qui est actuellement préoccupant,
car dans beaucoup de pays européens, on voit une véritable
résurrection d'idées et de politiques d'extrême
droite, en Belgique, en France, aux Pays bas, en Allemagne, en Autriche
etc. On peut percevoir depuis une dizaine d'années, une montée
de partis avec des programmes qu'on peut qualifier d'extrême
droite et qui, apparemment bénéficient d'un succès
grandissant. Au Danemark, par exemple, la droite et l'extrême
droite viennent d'arriver au pouvoir. En Turquie, le livre de Hitler « Mein
Kampf » est actuellement publié et vendu par milliers
d'exemplaires. Les politologues s'expliquent ce phénomène
entre autres par les problèmes d'adhésion de la Turquie
dans l'Europe.
Les pensées de Hitler se résument
de manière synthétique dans des motivations raciales.
Il pense que l'histoire humaine est un combat permanent entre divers
peuples pour conserver l'identité, la reproduction et la création
de nouvelles terres à peupler. À la fin de ces combats, les
peuples appartenant à des races dites supérieures
devraient dominer les peuples inférieurs.
Les peuples de qualité supérieure sont
« aryens », nordiques. Les anthropologues nazis sont même allés
jusqu'à chercher des racines aryennes dans le Tibet, au pied
de l'Himalaya. Ils vont mesurer toutes sortes de parties du corps
humain et établir le type idéal de la race aryenne.
Plus tard, ils vont utiliser ces profils pour essayer de déterminer
si une personne a des racines aryennes ou non. (Un procédé similaire
a été utilisé pendant la guerre des Tutsis contre
les Hutus au Rwanda: on mesurait par exemple les orteils pour déterminer
si une personne appartenait a une tribu ou a une autre, et donc si
elle pouvait continuer a vivre ou non).
Les élections de 1932
Après son temps de détention,
Hitler recrée et réorganise son parti. Dès lors le parti a des points d'appui partout en Allemagne et non plus uniquement
en Bavière. Il s'agit de prendre le pouvoir
par des moyens légaux. Pour atteindre leur but, les national
socialistes intensifient leurs efforts afin de mobiliser encore plus
les masses. Dans la structure intérieure du parti, il y avait
certaines mésententes entre Hitler et Ernst Röhm (le
leader des SA). Pour parer a cette menace éventuelle au sein
même de son parti, Hitler crée les SS (Schutzstaffel),
un commando de frappe et de violence qui ressemble aux SA, sauf qu'ils
sont totalement soumis a Hitler. Au fil des années, le parti
se consolide de plus en plus et obtient 2,6% aux élections
de 1928. La crise économique mondiale de 1929 profite au parti,
qui, en 1930, obtient 18,3% des voix. En 1932, le NSDAP arrive a
37,3%, une majorité relative.
En
1933, Hitler est nommé Reichskanzler (Chancelier du Reich). Après la mort de Hindenburg en 1934,
Hitler est nommé en plus Reichspräsident (Président
du Reich), et atteint ainsi, petit à petit la quasi-totalité du
pouvoir politique et économique. De plus, grâce à ses
liens et à la collaboration de Hermann Göring qui est ministre
de l'intérieur et qui a sous ses ordres l'appareil policier
prussien, renforcé d'une troupe de 50 000 membres de la SA et
de la SS, Hitler s'approprie la totalité du pouvoir d'État. À ce moment, les SA et SS, qui étaient
la force de frappe de choc pour terroriser les rassemblements et
membres des autres partis, deviennent des membres légaux d'une police
privée.
On voit donc ici un groupement terroriste se transformer en une sorte
de police privée du parti.
À partir de 1933, le parti national socialiste
des travailleurs allemands commence à changer la Constitution
et toutes les lois qui ne vont pas dans le sens de leur idéologie
ou plutôt qui pourraient les empêcher d'atteindre leurs
buts principaux. Ainsi par exemple, tout fonctionnaire qui n'a pas
de racines aryennes (surtout les Juifs, mais aussi les libéraux, démocrates, etc.)
est démis de ses fonctions et remplacé par un fonctionnaire
aryen. Tous les partis politiques qui n'étaient pas proches
du NSDAP étaient simplement interdits (donc plus d'opposition).
La radio et surtout la presse écrite étaient
contrôlées par le ministère de propagande sous
commandement de Joseph Goebbels. Ici, on se rend très bien
compte que la presse et la distribution d'information joue un rôle
capital dans une société. Si le destinataire de l'information
ne reçoit que des données préfabriquées,
susceptibles d'avoir un certain impact voulu, il ne peut pas rester
objectif, ni faire la part des choses, et croit forcément,
pour la plus grande partie des cas, ce qu'on lui dit. Ce processus
fonctionne bien sûr à merveille dans une dictature qui
peut alors imposer la musique, l'art, la littérature la culture
et l'enseignement que le peuple doit recevoir. Un très bon
exemple pour un tel système de nos jours est la Corée
du Nord.
L'État totalitaire
Le
changement de Constitution est la dernière étape de
transformation d'un État en État totalitaire. À partir de ce
moment, on peut parler de terrorisme d'État, car, la barrière
de transformation des lois qui décrivent les libertés
fondamentales d'un peuple une fois franchie, la porte est largement
ouverte à toutes sortes d'abus et de crimes désormais
permis au nom de l'État (Ex : La révolution culturelle
en Chine sous Mao, les Goulags sous Lénine en Union soviétique,
les massacres des Khmers Rouges sous Pol Pot en Birmanie, les camps
de concentration en Allemagne nazie etc.).
Après le changement de la Constitution,
d'autres lois suivront, ainsi que la totalité de l'appareil
judiciaire. C'est ainsi que sont créés de nouveaux
tribunaux d'exception et les crimes punissables de la peine de mort
passent en Allemagne nazie de trois à presque cinquante.
Un des instruments les plus redoutables afin
de parvenir à un régime national-socialiste est constitué par
les polices privées. Dans le cas de l'Allemagne nazie, les
SS (Schutzstaffel), la GESTAPO (geheime Staatspolizei, Police secrète d'État), et les SD
(Sicherheitsdienst, Service de sécurité) sont sous les ordres de Heydrich et de Himmler,
qui, eux, bien sûr, étaient sous le commandement direct
de Hitler. La SA et leur commandant Röhm, jugés
ne plus être assez proches de Hitler, donc ennemis du parti,
avaient été éliminés durant la fameuse « nuit
des longs couteaux » (Röhm-Putsch / Nacht der langen
Messer). Ces nouvelles polices ont des pouvoirs
quasi illimités, comme par exemple des perquisitions, arrestations,
déportements, pour lesquels ils n'ont besoin d'aucun mandat. Ils peuvent ainsi torturer,
tuer et commettre toutes sortes de crimes en toute impunité. Elles vont terroriser la population allemande et plus tard les populations
des pays occupés. Elles vont construire, entretenir et surveiller
les camps de concentration, dans lesquels seront déportés
tous les humains jugés racialement ou biologiquement inférieurs,
tout comme des prisonniers politiques, les asociaux, les handicapes,
gitans, criminels, vagabonds et, bien sûr, toute personne ayant
des origines juives. Dans ces camps, les nazis seront coupables de
la mort de plusieurs millions d'humains dans des conditions atroces
et pitoyables.
À la fin de la deuxième guerre mondiale,
les alliés vont entamer un processus de dénazification à grande
envergure. Les responsables qu'on a pu arrêter et identifier
seront jugés (pour la plupart au procès de Nuremberg).
Beaucoup vont s'enfuir dans des pays d'accueil comme le Brésil,
l'Argentine, le Chili., changer de nom et vivre dans la clandestinité. Certains seront retrouvés par les services
secrets israéliens et jugées pour les crimes commis
(l'exemple le plus connu est le procès d'Adolf Eichmann à Jérusalem
en 1961-62).
Quant à d'autres, on ne retrouvera que
leurs ossements par analyse ADN (comme le sinistrement célèbre
Dr. Joseph Mengele (Todesengel, ange de la mort) - connu pour ses
expériences atroces sur des enfants, surtout jumeaux, dans
le camp d'Auschwitz). Tout un mythe va se construire autour de grands
leaders nazis et leurs organisations secrètes.
L'époque contemporaine
Aujourd'hui, même si dans la période
d'après guerre on s'est donné la peine de démontrer
où pouvaient mener les idéologies et régimes d'extrême
droite, on doit malheureusement constater que jusqu'à nos jours
ces idéologies persistent toujours et trouvent toujours un
nombre suffisant d'adeptes. Il s'agit souvent de très jeunes
hommes (c'est une scène majoritairement masculine), provenant
souvent de milieux économiques et sociaux défavorisés,
qui se sentent attirés par des programmes simplistes proposés
par des politiciens ou des groupements extrémistes, afin de
s'engager dans une lutte qui pourrait résoudre un certain
nombre de leurs problèmes sociaux.
Merton explique cela par le fait que le consensus
peut lui-même mener à des crimes. En effet, il considère
qu'il suffit que le consensus sur la valeur des objectifs de réussite
personnelle soit plus puissant que le consensus sur les moyens acceptables
de les réaliser. Par exemple, cela se retrouve dans les sociétés
qui valorisent la richesse de manière disproportionnée
tout en garantissant que seule une minorité puisse y accéder.
Alors, les autres vont vivrent une « tension » qu'ils tenteront de contourner
d'une manière ou d'une autre. Ici, dans le cas du terrorisme
de l'extrême droite, se sont des discours négatifs,
fondés sur la frustration d'une partie de la population, qui
va amener à la « révolte » et
donc à l'adhésion à cette idéologie.
Ainsi, en dehors de programmes électoraux
officiels à connotation d'extrême droite menés
par des politiciens avérés, il n'est pas rare que des « recruteurs » rodent
autour des écoles, ou d'autres endroits fréquentés
par des jeunes, afin de faire de la propagande en faveur de leur
groupes et idéologies. En effet, ceux-ci soutiennent les mêmes
idées politiques officielles mais prônent le passage à l'action,
et la violence. Par ailleurs, ces groupements de jeunes n'hésitent
pas à adopter un certain style de vie caractérisée
par exemple une manière propre de s'habiller, un certain type
de musique, etc. tous ceux-ci dans le but d'augmenter leur sentiment
d'appartenance à un groupe distinct qui ne partage pas les
idées politiques au pouvoir.
Ce comportement peut s'expliquer en partie par
la théorie des associations différentielles d'Edwin
Sutherland. En effet, selon cet auteur, le délinquant adopte
une identité délinquante et pas seulement des techniques,
au contact de pairs délinquants. Il devient délinquant
lorsque ses définitions de son contexte deviennent favorables à la
violation des normes. Ainsi, plus le groupe est fermé, sectaire,
plus l'apprentissage sera efficace. C'est donc ce qui se passe pour ces jeunes, en
mal de repères, qui vont décider de s'associer à ces
groupements. Ainsi, une fois devenu membre, il peut parfois être
difficile d'en sortir dans la mesure où le désistement
est vécu comme une trahison au sein du groupe. À ce propos
Sageman (2003), parle de radicalisation des membres de réseaux terroristes.
De plus, depuis quelques années, l'Internet
est un excellent moyen, quasi accessible à tous, pour favoriser
la publicité et le recrutement de nouveaux membres. Par conséquent,
je développerais dans la partie suivante le rôle de
l'Internet dans la propagande de l'extrême droite, et par la
suite l'histoire du mouvement skinhead et les codes vestimentaires
et insignes utilisées dans les milieux de l'extrême
droite. |
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