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Le Ku Klux Klan : mouvement terroriste |
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1. Les origines du Klan | ||
Avant de traiter de la menace que peut représenter un groupe extrémiste comme celui du Ku Klux Klan, il est primordial à mon avis, de procéder à son historique. En d'autres mots, il importe avant toute chose de faire un court voyage dans le temps afin, d'une part, d'en apprendre davantage sur l'existence et la formation du Ku Klux Klan (KKK) et, d'autre part, de mieux comprendre la dynamique actuelle du mouvement. C'est ce que tente de faire cette section consacrée à l'historique du mouvement. C'est ainsi que le texte sera subdivisé en quatre parties distinctes qui, une fois réunies, dresseront l'historique de ce mouvement raciste américain. Il sera d'abord question du Klan original, celui de la période de la Reconstruction qui a suivi la guerre civile américaine (1861-1865). Nous y traiterons de sa création, des actions perpétrées ainsi que des raisons qui ont conduit à sa disparition quelques années plus tard. Par la suite, le texte enchaînera sur le «réveil» du Klan par l'entremise de Simmons. On y apprendra que le Klan était perçu d'un bon oil par la société et qu'il ne soulevait pas l'indignation collective. En fait, comme on le verra, ce second Klan répondait en tous points à un sentiment généralisé d'«américanisme». La troisième section portera sur les actions du Klan des années cinquante aux années quatre-vingt. On y décrira le changement dans les façons de faire du Klan et les actions que le gouvernement orchestrera afin de limiter l'influence du Klan tout en gardant une surveillance constante sur ses activités. Finalement, la dernière partie sera consacrée au Klan moderne, c'est-à-dire celui des années quatre-vingt-dix. 1.1 Le premier Klan Le 9 avril 1865 à Appomattox, après environ cinq années de guerre civile, le Général confédéré Lee capitulait, donnant automatiquement la victoire aux forces de l'Union dirigées par le Général Grant. La guerre de Sécession a non seulement opposé deux manières de vivre, mais également deux philosophies en regard de l'esclavage. Après la guerre, des milliers de noirs affluent vers le Sud et retournent dans les anciennes plantations pour y trouver du travail. On évalue alors à plus de quatre millions le nombre de noirs qui habitent le Sud. Trois composantes socio-politiques vont servir de terreau fertile à la création d'un des mouvements racistes les plus fréquemment cités: le Ku Klux Klan. L'humiliation de la défaite face aux nordistes, l'imposition des Black Codes (13e, 14e et 15e amendements qui mettent fin à l'esclavage et donnent la citoyenneté et le droit de vote aux noirs, droits bientôt restreints par les nouvelles assemblées des États sudistes) et l'occupation du Sud par les troupes fédérales créent une frustration intense. Comme le rapporte fidèlement Portes, cela était perçu comme la «vilénie des vainqueurs imposant au Sud, par la force, l'irruption des noirs dans la vie publique» (Portes, 1991: p. 89). Non seulement ces amendements ne seront pas appliqués dans le Sud, mais ils provoqueront une réaction généralisée de racisme partout au pays. La mentalité collective voyait la vraie nation américaine comme WASP (white anglo-saxon protestant). L'apparition de la formation politique des Know-Nothing en fait foi, «mais c'est sans doute la réapparition du Ku Klux Klan qui exprima le plus clairement le sentiment populaire selon lequel l'américanisme n'était plus comme du temps de Jefferson ou Lincoln, un évangile pour toutes les nations, mais un secret national qui ne pouvait être partagé avec ceux qui n'étaient pas du même sang» (Vincent, 2001: p. 186). Comme le souligne Maurois, «lorsqu'un peuple ou un groupe se voit privé de tous moyens légaux de défense, ils perdent confiance dans les lois et cherchent à se protéger eux-mêmes» (Maurois, 1948: p. 400). C'est donc dans cet esprit revanchard que six vétérans confédérés fondent une association de frères d'armes, le jour de Noël 1865 à Pulaski au Tennessee avec le projet d'en faire un groupe de résistance. Ce regroupement se présente comme un «moyen d'action utile» pour défendre la suprématie blanche dans le Sud, que les noirs menacent par leur trop grand appétit sexuel, leur présence dans les milices locales et leur participation de plus en plus grandissante à la vie publique. Le KKK (Ku Klux Klan) se présentait donc comme un regroupement de sudistes contre les noirs, contre l'envahisseur nordiste, contre les carpetbaggers (nordistes venus s'installer dans le Sud afin de «profiter» de la Reconstruction pour trouver du travail) et contre les scalawags (sudistes sympathiques à la cause de l'Union). Les premiers sont appelés ainsi en raison de leurs sacs de voyage en tapisserie à la mode yankee, alors que les autres sont vus comme de véritables traîtres et seront traités comme tels. Selon les vues de plusieurs blancs, les noirs, nouvellement dotés des droits civiques, deviennent arrogants et c'est pour cette raison que «les blancs, privés de moyens de protection légaux, organisent des associations secrètes dans le dessein de tenir les nègres en respect et de les écarter des affaires publiques au moyen de menaces secrètes et de violences» (Janssens, 1956: p. 176). Comme l'ajoute Robin : «le Ku Klux Klan naissant constituait, pour certains sudistes, depuis les gentlemen bien élevés des plantations et les ex-officiers confédérés jusqu'à la pauvre racaille comptant pour peu de chose, un instrument de libération du nouveau despotisme en vue» (Robin, 1998: p. 12). C'est d'ailleurs à cela que l'on attribue le succès de cette organisation. Les
six membres co-fondateurs (Calvin Jones, Frank McCord, Richard Reed,
John Kennedy, Cpt John Lester et James Crowe) ont décidé que
cette fraternité se nommera Ku Klux Klan (prononcer «Cou-Cloux-Clanne»),
appellation directement issue du mot grec kyklos (cercle)
associé au latin «lux» (lumière). «Crowe
sépare le mot en deux et change la fin, ce qui donne Ku Klux.
Comme les fondateurs ont des ancêtres écossais , Lester
propose de rajouter le mot clan à la fin, en remplaçant
le C par un K, de manière à uniformiser la première
lettre des trois mots. Le Ku Klux Klan est né (Wikipédia) » que
l'on appelle également «Invisible empire du Sud».
Ils dotèrent leur association raciste d'un schéma militaire
et mystique enrobé d'une cosmogonie étrange. Selon leur
vision, le Sud serait fragmenté en royaumes, dominions, provinces
et tanières chapeautés par des Cyclopes, des Géants,
des Titans, des Dragons, des Génies et des Hydres. Munis de
hautes cagoules et de longues robes blanches, se déplaçant à cheval,
leur objectif initial était d'effrayer les noirs en se faisant
passer pour les esprits des soldats confédérés
morts sur le champ de bataille. C'est en 1866, au cours de leur première convention, que le KKK se dote d'une «Charte» et plus globalement, d'une structure définissant les buts et le mode de fonctionnement du Klan. Chaque État est dirigé par un «grand dragon», chaque district par un «grand titan» et chaque province par un «grand géant». Un langage secret soude les initiés. Les jours et les mois sont rebaptisés «mortel», «ténébreux», «terrible», «sanglant», «effrayant» et ainsi de suite. Les klansmen se rassemblent dans des Klavernes, où ils préparent leurs équipées sanglantes. Après
le désistement du Général Robert E. Lee pour des
raisons de santé, c'est le Général
Nathan Bedford Forrest qui fut élu Grand Sorcier du Klan
(titre le plus haut) pendant ce que l'on désigne aujourd'hui
comme la première ère du Klan (1866-1874). Il sillonnera
le pays pour y tenir des réunions, prônant les valeurs
blanches et protestantes tout en proposant l'idée de «dépouiller
le nègre de ses De nombreuses «chasses aux nègres» sont organisées ainsi que des émeutes qui se soldent plus souvent qu'autrement par un affrontement meurtrier entre le Klan et la milice locale, essentiellement composée de noirs. Bénéficiant de la clémence du système judiciaire à leur endroit (le premier noir à avoir été reconnu non coupable du meurtre d'un blanc fut un certain Caldwell en 1868), les klaners usent de stratégie pour arriver à leurs fins. On rapporte des histoires sordides à ce sujet : un blanc n'aime pas un noir, la femme du blanc va se plaindre aux autorités d'avoir été violée par le noir en question. Lors du procès, un attroupement va se créer ce qui entraîne l'arrivée de la milice et puis une émeute générale au cours de laquelle plusieurs noirs sont pendus sans qu'un seul coupable soit identifié. Des membres du Klan ont même été jusqu'à assassiner en plein tribunal le sénateur républicain John Stephens. Ceci démontre le fanatisme que la cause créait chez certains. Pendant plusieurs années, le mouvement a joui d'une popularité et d'un accord tacite des autorités sans précédent pour un groupe raciste entraînant un réel mutisme solidaire entre blancs ainsi que la «clémence» du Président de l'époque Andrew Johnson qui voyait bien que le problème ne résidait pas dans le nombre de klaners , mais plutôt dans le nombre de ses sympathisants anti-nordistes. Après avoir rejoint plus d'un demi-million d'adeptes, le mouvement du KKK commença à décliner à partir de 1868. Plusieurs raisons expliquent l'affaiblissement de l'organisation. D'abord, comme le soulève Portes, «le Klan n'est pas structuré solidement, de nombreux groupes autonomes s'en réclament» (Portes, 1991: p.99). Cela fait en sorte que certains «extrémistes» pénètrent dans le Klan et en salissent la «réputation». Les abus prendront tellement d'ampleur que cela poussera plusieurs États à adopter des lois/mesures de maintien de l'ordre public dès 1868 tels le Texas et l'Arkansas (qui décréteront de la loi martiale). Suite à des pressions, le Grand Sorcier dissoudra le Klan officiellement en 1869 ce qui amena certains historiens à en déduire qu'il s'agissait là d'une méthode pour rendre le Klan encore plus secret. Preuve de la nouvelle orientation prise par le mouvement: l'obligation à partir de 1870 pour tous les klaners de se munir d'une arme à feu. Les excès de certains membres jumelés à l'arrivée d'un nouveau Président (l'ancien Général nordiste Ulysses Grant) a beaucoup contribué au déclin du KKK. Alors que Johnson et Lincoln avaient fait preuve de modération, de compréhension et de tolérance envers le racisme exacerbé du Sud, Grant désirait être «maître chez lui»! Le Président a donc fait voter en 1871, avec l'appui du Congrès, le Force Act (interdiction d'empêcher un autre citoyen de voter) et le Ku Klux Act (autorisant l'armée à réprimer ceux qui ne respectent pas le Force Act ). Cette dernière mesure choque le Sud qui se révolte et cela donne l'opportunité au Président d'asseoir son autorité en suspendant l' habeas corpus et en imposant la loi martiale, ce qui conduit à plusieurs milliers d'arrestations. Mais ce qui va surtout affaiblir considérablement le Klan, c'est que malgré toutes les tentatives présidentielles, non seulement le système de plantation a repris sous une forme quasi-identique, mais en plus la lutte des sudistes a triomphé: les noirs ne votent plus ! Cependant, voyant mourir le KKK à petit feu, bon nombre d'anciens klaners commencent à créer d'autres organisations racistes plus marginales. Malgré la
courte existence du Klan et le contexte de sa disparition, ce regroupement
raciste joua un rôle significatif dans la mentalité collective
américaine. Il servit d'une part de tremplin à de nombreuses
autres organisations du même type telles Les Chevaliers du
Camélia blanc , Les Chevaliers du Soleil Levant , La
Société 1.2 Le second Klan Après une mort prématurée, principalement en raison d'un certain mécontentement grandissant à l'égard des excès de violence du Klan et de la ségrégation qui réapparaît dans le Sud, il était bien évident que cette absence ne serait que provisoire. C'est en effet une quarantaine d'années plus tard que le second Klan fait son apparition. Cependant, la nouvelle version n'a vraiment plus rien à voir avec l'ancienne. En fait, la seule chose qu'elles ont en commun est leur appellation. Encore une fois, la résurrection du Ku Klux Klan fut l'ouvre d'un cumul de facteurs disparates qui allaient favoriser un mouvement réactionnaire peu commun à la veille du déclenchement du premier conflit mondial. Bien que cette nouvelle super-puissance désirait demeurer dans l'isolationnisme qui lui était propre, cela devenait plus difficile car le monde avait désormais conscience de la puissance des États-Unis et enviait le mode de vie américain. Jumelé à des politiques généreuses (don d'une terre à qui le voulait), ceci provoqua une immigration massive qu'aucun autre pays n'a connue. En guise d'illustration, on estime à quatre millions et demi le nombre d'immigrants qui fouleront le sol américain entre 1911 et 1915 (Portes, 1991: p.171). Ces vagues successives d'immigrants seront principalement constituées d'européens catholiques irlandais, polonais et italiens. Cette population qui s'installera principalement dans les villes chamboulera la vie des américains à plusieurs niveaux. Alors déferle un sentiment d'intolérance généralisée qui affecte tout ce qui n'est pas américain de souche. Comme le souligne Boortin : «à un moment ou à un autre de l'histoire Américaine, toutes les populations non anglaises ont été plus ou moins victimes de cette tendance qu'ont eu les américains issus de Grande-Bretagne de se considérer comme les représentants d'une civilisation supérieure» (Boortin, 1981: p.528). Voyant la «menace» arriver en grand nombre, les vieilles mentalités refont surface, ce qui entraîne l'élection successive de trois Présidents républicains (Harding, 1921-1925, Coolidge, 1925-1929 et Hoover, 1929-1933) qui réduisent tour-à-tour le flot d'immigration et instaurent des lois restrictives visant directement les immigrants (ainsi la prohibition votée en réaction aux Italiens et aux Irlandais qui buvaient dans les rues). De manière générale, on prône le retour de l'américanisme (on parlait de l' American Way of Life ) en protestant contre les croyances, les coutumes et les idéaux étrangers. À titre d'exemple : les villes de St-Louis (1917), Washington (1919), Chicago, New York, Omaha, etc., vivent de violentes émeutes raciales en réaction à la demande d'anciens soldats noirs de la Première Guerre mondiale de reconnaître leurs droits. De ces émeutes, plusieurs n'en sortiront pas vivants. L'événement
qui marquera la collectivité est la parution au cinéma
en 1915 du premier film Cependant, contrairement à la version précédente du KKK, celle de Simmons se désigne comme fer de lance de la supériorité aryenne et en lutte contre tout ce qui n'est pas «américain», donc les catholiques, juifs, homosexuels, communistes, alcooliques, «femmes immorales», immigrants, noirs, etc. En fait, le Ku Klux Klan s'en prend à tous ceux qui ne partagent pas ses idées et sa religion, et n'ont pas la «bonne» couleur de peau. C'est l'époque du fondamentalisme protestant qui rejette les apports de la science. Le Klan appuie également des élus ou groupes politiques s'opposant à la vente libre d'alcool, favorisant l'école publique et non paroissiale, et se dresse contre le pacifisme, pour le contrôle des naissances, contre l'internationalisation, contre le darwinisme, etc. Malgré des
critères d'admissibilité assez stricts (admission limitée
aux hommes blancs de plus de 18 ans et ayant des racines américaines
antérieures à la guerre d'indépendance), le Klan
réussit à recruter, grâce à des stratégies
de publicité éprouvées , Les actions entreprises par la deuxième version du KKK ne diffèrent guère de la première à l'exception de trois changements dignes de mention. D'abord, les enjeux étant plus «nationaux», les exactions ne sont donc pas uniquement faites contre les noirs. Ensuite, le KKK profite de l'appui d'une bonne partie de la population américaine. Et finalement, fort de cinq millions de membres, le Klan a ses entrées un peu partout dans la société (assemblées législatives, exécutives, juridiques; politiciens; juges) ce qui rend sa tâche plus facile. Sinon, les exactions coutumières continuaient de s'exercer contre les noirs (l'ennemi principal) par la terreur: brûler des croix de bois devant la maison des indésirables, marquer au fer rouge les lettres «KKK» sur le corps des noirs, les badigeonner de goudron bouillant puis les enduire de plumes. Bien que personne ne le rapporte officiellement, il semble que le nombre de meurtres ait chuté drastiquement, est-ce un signe de l'édulcoration de la seconde version du Klan ? Un fait surprenant est à souligner : le Ku Klux Klan et le représentant de la National Association for the Advancement of Colored People (NAACP), l'extrémiste noir Marcus Garvey, se sont mis d'accord pour financer le retour des noirs en Afrique. Bien que les historiens divergent sur la date d'arrêt des activités du second Klan (certains parlent de la fin des années vingt alors que d'autres vont jusqu'aux années quarante), plusieurs raisons peuvent expliquer la disparition de la seconde version du Klan. De façon générale, cette chute précipitée serait due à deux éléments principaux. Les tensions internes furent le premier facteur qui poussa à la disparition du Klan. À ce sujet, d'abord certaines exactions ont tôt fait de perdre l'appui de l'opinion publique et, indirectement, celui des klansmen «mous» (ceux qui y demeuraient uniquement par solidarité envers des amis, sans en endosser nécessairement les valeurs), mais de plus, la structure indéfinie du Klan qui poussait des individus à s'auto-proclamer Grand Dragon de telle ou telle Kaverne rendit le mouvement un peu ridicule. L'enrichissement des leaders fut également un point critiqué. Enfin, l'entrée en guerre des États-Unis aux côtés des forces de la coalition fragmenta les croyances de plusieurs. Très favorables aux méthodes employées par les nazis, ceux-ci étaient désormais les ennemis de la nation et pire, ils avaient créé une alliance avec des «jaunes» (les Japonais) ! Il est faux de croire que la guerre contre un ennemi commun a rapproché les blancs et les noirs puisque même au combat, les officiers noirs ne pouvaient accéder aux Mess des officiers blancs, ni même donner un ordre à des blancs. Des pressions externes seront également mises de l'avant par les historiens pour expliquer la disparition du mouvement. D'abord, la résistance des noirs, de plusieurs journalistes et de l'opinion publique, de plus en plus sensibles aux exactions (commises par certains extrémistes à l'égard des minorités), favorisera un combat idéologique intense contre l'organisation. C'est désormais l'heure du libéralisme, de la tolérance et de la justice aux États-Unis. Dans la même veine, les politiciens et pasteurs qui soutenaient l'organisation, devant ce changement de cap, ont tôt fait de se détourner du Klan et d'emboîter le pas à la croisade anti-Klan. Par ses frasques, le Klan a terni la réputation de la politique si bien que la majorité prend ses distances. Même dans le Sud, le Klan commence à être contesté parce que ses attaques n'ont plus tellement de fondement et on se rend compte que ses actions n'ont presque plus d'impact. Pour enfoncer le clou, en 1944, le Klan qui est désormais une organisation légale selon les désirs de Simmons se fait réclamer par le service des contributions directes 685 000 $ de comptes impayés depuis 1920. Ne possédant pas cette somme, le Klan décide de se dissoudre de nouveau. Cette nouvelle donne brouilla les cartes et mit un terme quasi-définitif à l'âge d'or du Ku Klux Klan puisque jamais, il ne retrouvera la gloire des années vingt. En effet, alors que l'on compte encore 9 000 adhérents en 1930, leur nombre baisse considérablement par la suite. Avant la deuxième guerre mondiale, le Klan n'est plus qu'un groupe d'amis faisant les manchettes des faits divers. En résumé, le déclin du Klan est attribuable essentiellement à des scandales financiers et à la résistance de nombreux groupes de pression. En regard de ce déclin, Kaspi souligne que «le Klan décline, non pas parce que sa défense de l'américanisme semble creuse et dangereuse, mais parce qu'il s'apparente à un business exagérément prospère et malhonnêtement géré» (Kaspi, 1998: p. 283). 1.3 Les résurgences du Klan Comme il en a été question plus tôt, le IKA (Imperial Klan of America) Pendant la fin des années cinquante et le début des années soixante, on dénombre plusieurs noirs assassinés, blessés, attaqués ou battus et des maisons et des églises brûlées, détruites et victimes d'attaques au fusil. La pose de bombes est monnaie courante. À cette époque, le Ku Klux Klan cible principalement les noirs et les juifs, mais également les «traîtres», c'est-à-dire les blancs favorables aux noirs. Tucker explique que «this new one-track, paranoid-racist became the terrorist guerrilla wing of the South's massive resistance to a new age of civil rights for blacks» (Tucker, 1991: p. 185). Comme je l'ai mentionné plus tôt, les membres du Klan bénéficiaient d'une certaine sympathie de la part des autorités locales. Le meurtre étant un crime d'État, les cours de justice étatiques, qui devaient juger les agressions contre les noirs et les jurys, très souvent composés uniquement de blancs, hésitent à punir trop sévèrement des blancs. À plusieurs occasions, des membres clairement associés au Ku Klux Klan sont déclarés non-coupables à la suite de meurtres ou de tentatives de meurtre. Citons le cas d'un attentat dans une église en Alabama qui tua quatre fillettes noires et se solda par la libération des accusés qui ont pourtant applaudi le crime en pleine salle d'audience. Le vent tourne en 1964 avec l'événement qui a contribué à la production du film hollywoodien «Mississippi's burning» qui relate l'histoire de l'assassinat de trois promoteurs des droits civiques (un noir et deux blancs). Dans ce cas, craignant de voir encore une fois les accusés s'en sortir, le gouvernement fédéral décide d'accuser les suspects sous des motifs fédéraux ce qui conduit à l'emprisonnement des accusés et du shérif local portant un coup dur au Klan. Ainsi, à mesure que le courant pour les droits civiques prend de l'ampleur, la popularité du Klan baisse tranquillement, n'ayant plus vraiment de raison d'être. Face à tout cela, l'opinion publique commence à réagir et en 1966, alors que le Ku Klux Klan compte encore près de 60 000 membres, il est à nouveau déclaré illégal. Les mentalités évoluaient et les gens, du Nord et du Sud, commençaient à en avoir assez des violences et de la récupération arbitraire de causes socio-politiques, d'où la disparition progressive du Klan pour une autre hibernation. Après
plusieurs tentatives de reprise, ce n'est qu'au cours des années
soixante-dix que le Klan reprend forme. Ce que les principaux concernés
considèrent comme la cinquième ère du Klan débute
avec David Duke comme
Grand Sorcier du mouvement Knights of the Ku Klux Klan. Duke, raciste
convaincu, désire rendre le Klan plus médiatisé et «médiatisable». Ce qu'il faut retenir des activités du Klan durant les années soixante-dix et quatre-vingt c'est que le Ku Klux Klan (ou plutôt son appellation moderne « United Klan of America »), sert en quelque sorte de parapluie pour de nombreuses organisations racistes. En effet, il existe plus d'une centaine de factions toujours actives aux États-Unis, réparties dans divers états ou répondant à des doctrines particulières. De plus, étonnamment, à mesure que le temps passe et que la surveillance du Klan s'intensifie, une aile guerrière extrêmement violente se forme. Celle-ci entretient des liens étroits avec des militaires et des marchands d'armes qui lui donnent une grande aptitude au combat. 1.4 Situation contemporaine C'est
en 1996 que le Klan entame sa sixième phase, sous l'égide
de Ronald Edwards qui
revendique le titre de Sorcier Impérial de l'IKA (Imperial
Klans of America). Sur leur site web, l'IKA se définit comme un regroupement d'hommes (et de femmes) chrétiens et blancs qui se réunissent parce qu'ils ont une croyance commune en la pureté de la race et la défense de la civilisation occidentale. Ils s'affirment comme le plus vaste et le plus vieux (et donc le plus professionnel) des groupes d'extrême droite dans le monde. Très politiquement correct (on ne retrouve aucun terme disgracieux comme «nègre»), on se rend vite compte que cela n'a plus rien à voir avec la version originale. Le site réserve également une place à l'agenda politique du Klan: 1- l'Amérique est la priorité (retirer toute aide financière aux autres pays, se concentrer sur l'Amérique), 2- pour le testage des bénéficiaires d'aide sociale aux drogues (s'ils ont assez d'argent pour la drogue, ils en ont assez pour vivre), 3- l'Amérique aux Américains (les grandes entreprises ne devraient pas appartenir aux étrangers), 4- abandonner la discrimination positive (les avantages doivent aller à ceux qui le méritent), 5- protéger les emplois américains (stopper le déménagement des entreprises dans des pays du tiers monde pour payer les travailleurs moins cher), 6- fermer les frontières (si les États-Unis placent des milliers et de soldats aux frontières de la Corée et de l'Arabie Saoudite, pourquoi ne pas le faire ici?) et 7- interdire l'homosexualité et les mariages interraciaux (depuis l'abolition des lois anti-sodomie, le SIDA fait rage). Finalement, le site internet du Klan tente de rectifier des croyances populaires largement répandues. Selon eux, le Klan ne serait pas contre les noirs, il prétend uniquement que la race blanche est supérieure aux autres. De plus, les catholiques ne font plus partie des cibles du Klan. Finalement, il serait faux de croire que toute personne désireuse de se joindre au Klan doit enfreindre la loi en commettant un crime contre un noir. Cela serait en fait une fausse croyance répandue pour limiter le nombre d'adhésions au Klan. Même si cela semble bien respectueux, il apparaît évident que le Klan s'est transformé en une organisation secrète contrôlée par des lois et des codes stricts. Leur site apparaît le plus neutre possible pour éviter des embûches. La grande majorité des activités entreprises par le Klan moderne concerne des rassemblements, des protestations, les marches, etc. La religion est toujours très présente au sein du Klan et ceci est prouvé par le nombre de sections dirigées par des pasteurs ou des révérends. Afin de justifier leur présence, ils s'inspirent du haut taux de crime de la population noire et de tous les problèmes de la société d'aujourd'hui. Tournant le dos à leurs anciennes coutumes, ils condamnent désormais les croix enflammées (qu'ils jugent raciste !?!). Le Klan a tout de même gardé certaines traditions ancestrales et certaines idées, mais il s'est très bien adapté au monde d'aujourd'hui en emboîtant le pas au mouvement «politiquement correct» afin d'éveiller moins de soupçons. Il n'en demeure pas moins que le Klan passe très rarement à l'acte car on ne lui attribue guère de crimes. Il semble adopter une approche plus pacifique que précédemment. De nos jours, il existe une multitude de regroupements s'apparentant de près ou de loin au Ku Klux Klan. Bien que les principales racines soient dans le Sud, on en trouve plusieurs dans le Midwest et l'ouest. Depuis
la guerre de Sécession, on a vu apparaître plusieurs vagues
de Klan. Sher rapporte que l'on dénombre plus de 3 500 meurtres
de noirs entre 1892 et 1950. |
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